'Une mauvaise journée de pêche vaut mieux qu'une journée de travail.'
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Tu pousses le bouchon un peu trop loin Raoul !

Mystère patronymique

Outre une dizaine de fascicules édités aux alentours de 1938 à 1969 et quelques autres bouquins dont une Bibliographie de Sir James M. Le Moine en 1897, je n’ai trouvé à ce jour aucun article sur le web, biographie et autre document concernant l'auteur Raoul Renault. 

Une chose est sûre, son nom apparaît en couverture de tous les ouvrages de cette série traitant des espèces de deuxième catégorie. Demeure que la collection est incomplète. Raoul Renault a certainement coulé son bouchon avant de s’intéresser à la pêche du sandre et du goujon. Autre lacune, par extension aux poissons de première catégorie, l'ombre et nos grands migrateurs comme le saumon, l'alose... n'est pas des moindres.  
 

De plus, en feuilletant l'ouvrage, on réalise que ce rédacteur halieutique et loin de s'illustrer dans le style "Nature Writing", mais ne manquait pas d’apprécier sa valeur au point que Henry David Thoreau puisse s'en retourner dans sa tombe. L’humble Thoreau, qui prône le plus naturellement du monde à qui veut bien l’entendre, que le sens de la chasse, de la pêche où la cueillette sont des dons innés.
Aussi, je brocarde Raoul concernant la préface ci-dessous où, à propos du Black-Bass, il fait totalement abstraction de la presse spécialisée et surtout de la littérature internationale.
Je m’insurge, Raoul s’écoute, déroule sa science de long en large - une science somme toute populaire, universelle - jusqu’à s’ériger premier de la classe sur un piedestal : selon Raoul, personne avant lui n’aurait "songé condenser dans un ouvrage les faits - recueillis à la suite d’expériences et d’observations..."

Préface

Mazette, Raoul n’avait-il donc pas lu ses prédécesseurs ou se serait-il assoupi trop longtemps sur le coup de midi ?
Un coup de chaud au zénith, qui expliquerait son style un tant soit peu ampoulé, lié aux écrits de son époque d'où il vit, à son insu, s'effriter du frontispice des pasticheurs les majuscules de sa notoriété.
Seul bémol, tout à son honneur, Raoul se veut honnête est impartial. Mais pas impérial, manquerait plus que ça. La place étant déjà occupée par le célèbre "Book of the black-bass" de James Alexander Henshall publier en 1881.

Raoul se la pète :

La pêche a la ligne a une histoire et les premières traces que nous en avons remontent à l’Égypte ancienne ... voire quelques lignes chez Socrate ... Les premiers écrits plus aboutis apparaissent au IIe siècle après J.-C : le naturaliste romain Claudius Aelianus décrivait déjà des hommes et des femmes qui, pour imiter des bestioles dont se nourrissent les poissons, nouaient un brin de laine rouge autour d’un hameçon en bois, en os ou de bronze et fixaient dessus quelques plumes.
 

Seulement, les Anglais tirent toujours les premiers et furent les véritables précurseurs. En premier lieu, "Le traité de la pêche à la ligne" de Dame Juliana Berners (1496) et surtout Izaac Walton (1653) qui en édicta les règles (codes) dans "The Compleat Angler". Largement traduit, constamment réédité depuis et pilier de la pratique. Un exposé concis sur l’art et la manière d’approcher le poisson et de tenir sa gaule comme un gentleman. Même si certaines élucubrations d'ychtiologie de Walton prêtent à sourire de nos jours : "le brochet tire sa naissance de l’herbe à brochet (cordata de Pontederia).", nous frôlons tout de même ici une once d'une vérité dans la mesure où, couramment, la femelle pond ses œufs en chapelet dans les hautes herbes...

Ce volume a traversé les siècles avec panache et charmé des générations de pêcheurs, a initié le lecteur à connaitre la leçon de sérénité d’un contemplatif, aux antipodes de l’esprit de compétition actuel saupoudré de forfanterie grotesque : le côté obscur de la pêche, un registre sensible où les chapitres freudiens prennent le relais et nous verrons cela plus loin en piqûre de rappel...

  "Le Parfait Pêcheur à la Ligne"
 
 
 Extrait :
- Piscator : 
allez-y, pêchez comme vous l'avez déjà fait. Encore une touche. Bon Dieu, elle a tout cassé, une moitié de ligne et un bon hameçon perdus. 

- Venator : 
et une belle truite aussi. 

- Piscator : non, la truite n'est pas perdue; Rappelez-vous cela : un homme ne peut pas perdre ce qu'il n'a jamais eu.

En 1676, Charles Cotton empile 12 chapitres supplémentaires à l'édifice de Sir Walton. L'histoire de la pêche est sur des rails. Raoul a pris le train en marche largement distancé de la "first position". Une appréciation vacillante d'où il semble difficile d'assoir définitivement sa gloire sur une pile de copies. Alors que la sagesse nous conseille de prendre repos à l'ombre du grand saule où s'écoule la rivière. Au plus près de cette eau limpide qui fait naître, nous emporte et nous efface.

"Herbe à Brochet (Pontederia cordata)"

Raoul, un pêcheur sans visage  :

Dès lors, comment renseigner la personnalité de Raoul Renault, illustre inconnu, au demeurant auteur didactique, qui puise ses enseignements dans le creusé patrimonial : était-il plutôt d'humeur effacée, à l’instar de John D. Voelker, dont aucune photo de trophée repose sur la console à l'entrée de son domicile où sur le web. Soyons sérieux, quand dans un moteur de recherche font écho les trompettes de la renommée, Robert Traver répond toujours présent, dressé au beau milieu de la rivière et dieux sait qu'il a fait son quota de truites.

John D. Voelker alias Robert Traver

Alors, qui était Raoul Renault, dont la mémoire semble dissoute dans l'abysse aux eaux sombres d’un mystérieux lac écossais. 

Un frisson m’assaille, un doute monstrueux émerge : ce livret dont je vous parle n’est peut-être qu’une décompilation d’éditeur, fac-similé et autres ouvrages d'un prête-plume académique. Car du black-bass à la vandoise et du brochet au gardon, Raoul Renault a quasiment tout ferré sans distinction aucune et cela toutes disciplines confondues. Épique, une performance en soi, s'il se peut qu'elle fut peu sélective et maladroite.

Les leçons données par mère nature sont issues des heures passées à bord de l'eau et largement corroborées dans la littérature halieutique. Encore faut-il s'assoir sur le banc des bibliophiles pour écouter un Boisset, Simonet, Duborgel...

De l'ouvrage en question :

À mon sens, le seul point fort de Raoul, quoi qu'il puisse être influencé à la demande de son éditeur, ce trouve dans l'introduction. En effet, l’auteur déplore le fait que les autorités françaises de l’époque (les années 1950) se réfèrent aux membres du genre "Micropterus" comme d'un bar (basses outre atlantique), alors que dans l'usage traditionnel européen, le bar est un poisson marin. Toutefois, pour nous français, Raoul Renault s’efforce de nourrir le stéréotype américain et se met à chouiner que c'est de leur faute si nous appelons ce poisson un "Bass". De ce fait, Raoul préfère aller à la pêche de l'Achigan et suggère que nous fassions de même. Et, il met l'accent, les points sur le I et les barres sur les T de cette pratique interdite en période de reproduction du Black-Bass, qui en 1950 était autorisée qu'à partir du 13 juillet

✔ Le cri du Black-Bass :

Il appartient à Monsieur Claude Roustan, Président de la "Fédération Nationale de la Pêche en France", de réviser cette date d'ouverture Nationale. Le département des Charentes a déjà pris des mesures et fixé cette date au 1 juillet 2021, 15 juin pour la Gironde... Donc, j'invite et appelle solennellement la "FNPF" à sortir de son incurie afin de préserver l'Achigan dans nos eaux. Le manque d'éthique de certains pêcheurs est flagrant. Le constat est saisissant, alarmant, la grande majorité des spécimens "trophées" qui circulent sur le web (réseaux sociaux), sont des femelles aux flans "rogues" biens formés. Et la liste s'allonge tous les ans à grands coups de fanfaronnades abjectes. Or, nous savons pertinemment qu'il est impossible de capturer ces femelles en dehors de la période de reproduction.

Piqûre de rappel :

Serait-ce des prises accidentelles ? 

J.P. Fanguin vous dirait "la question est vite répondue" : c'est un saccage inepte d'égocentriques. Bisous

Car "Le côté obscur de la pêche" se résume bien à connaître, de tel ou tel pêcheur, qui a la plus grosse et nous 'sachons' : la rumeur voudrait que c'est Roberto Esquivel Cabrera; Une paille, plus de quarante huit centimètres de long. Elle pendouille entre ses jambes comme un bâton d'entrave pour les ânes. 

Fourbi à Bass

La moutarde me monte, une humeur belliciste m'envahit, revenons à nos poissons. Le livret de Raoul Renault est principalement un condensé de vulgarisation. Rudimentaire, qui ce transmet aussi entre les générations par voie familiale où amicale. Un guide, quelque chose qui depuis un autre âge remplit des volumes sur la pêche à la ligne et passe sa vie en bonne place au fond d'un tiroir. Une relique, dont l'illustration de couverture nous avait joliment accrochée.

Voilà quarante cinq ans que j'ai acquis ce livret chez un bouquiniste de Saint-Affrique, lors d'une poursuite effrénée des truites de la Dourbie. Et, j'avoue avoir pris un malin plaisir à relire la conclusion. Car pour un disciple, quel que soit l'auteur, il est toujours bénéfique de se trouver en accord tacite avec le maître. C'est le gage d'un progrès.

Par conséquent, malgré mes sarcasmes à son égard, je remercie vivement Raoul Renault pour ses encouragements :

"Le Black-Bass (1951)" Raoul Renault

Si vous avez eu la patience de m'écouter jusqu'ici, à mon tour de vous remercier et vous souhaiter une très belle saison de pêche en compagnie de Alphonse Karr (Sous les tilleuls-1832). Une des plus belles bredouilles que je connaisse et un livre qui a sa place sur une étagère de votre bibliothèque.

"Quand le soleil ne lançait plus que de faibles et obliques rayons
 à travers le feuillage étroit des saules, nous relevions les lignes
 auxquelles il n'y avait pas de poisson, nous traversions la rivière,
 et, les gaules sur le dos, nous rentrions allègres et pleins
 de bonnes et fraîches pensées."